August 26, 2005

Le Parlement iranien impose sa différence au président Ahmadinejad

اصل مقاله لوموند پاريس در باره كابينه احمدي نژاد به نقل از علي رضا نوريزاده

e parlement iranien a récusé, mercredi 24 août, quatre des 21 ministres dont le président Mahmoud Ahmadinejad souhaitait s'entourer. Les parlementaires ont estimé que les intéressés n'avaient pas les compétences requises pour leurs attributions. ...

. Hormis le ministère-clé du pétrole ­ une ressource qui assure 80 % des revenus du pays et dont la gestion exige un titulaire expérimenté ­, les autres portefeuilles concernés, ceux des affaires sociales, de l'enseignement et des coopératives, ne sont pas régaliens. M. Ahmadinejad devra leur choisir d'autres titulaires. La rebuffade qu'il vient d'essuyer reflète néanmoins les tiraillements au sein de ce que l'on appelle la droite, qui contrôle désormais les trois pouvoirs : exécutif, législatif et judiciaire.


M. Ahmadinejad a constitué une équipe à son image, celle pour laquelle il a obtenu 62 % des un peu plus de 50 % de votants lors du scrutin présidentiel. En lui donnant leurs voix, ces électeurs ont fait un double choix, rappelle Azadeh Kian-Thiébaut, membre de l'unité de recherche Monde iranien au CNRS et auteur de plusieurs ouvrages ­ dont La République islamique d'Iran, de la maison du Guide à la raison d'Etat (éditions Michalon). Ils ont sanctionné "l'aristocratie cléricale " ­ représentée par des hommes tels l'ancien président Ali Akbar Hachémi Rafsandjani ou l'ancien président du Parlement Mehdi Karroubi ­ aux commandes depuis des années ; et ils ont fait un vote "concret, économique" . Issus des classes défavorisées, mais aussi de milieux éduqués et de fonctionnaires, ils ont "voté contre la corruption, pour la méritocratie et pour plus d'Etat" , ajoute-t-elle.

Ce sont, selon elle, ces aspirations-là que le populiste islamiste Mahmoud Ahmadinejad a voulu personnifier dans le choix de ses ministres, en refusant de céder aux pressions du clergé conservateur, dont il n'était pas le candidat, mais qui voulait, à l'heure du partage du pouvoir, prendre sa part du gâteau. Ses ministres sont, dans leur écrasante majorité, des laïcs ­ par opposition aux hommes de religion ­, jeunes ­ entre quarante et cinquante ans ­, ne traînant pas une réputation de corrompus ­ certains, n'ayant pas occupé de fonctions officielles, n'ont en tout cas pas eu l'occasion de se laisser corrompre. Comme le président, ils sont d'origines modestes et ont fait des études universitaires. Comme lui, ils ont presque tous appartenu aux Gardiens de la révolution, à une partie au moins à laquelle il doit lui-même la victoire à la présidentielle.

Cette équipe ministérielle consacre la mainmise des Gardiens de la révolution sur des leviers essentiels du pouvoir, écrivait il y a peu le journaliste iranien Ali Nour Zadeh, dans le quotidien saoudien Al-Charq Al-Aousat . Outre le président de la République et un grand nombre de parlementaires qui leur sont favorables, ils ont imposé leurs hommes à des postes-clés, notait-il : Elias Mahmoudi à la tête des services de renseignement du pouvoir judiciaire, Izzat Darmaghi à la direction de la radio-télévision et Ali Larijani, secrétaire du Conseil national de sécurité. Les "réformateurs" iraniens dénoncent, eux, une "militarisation" du pouvoir.

Certains ministres sont en outre des anciens du renseignement. C'est notamment le cas du ministres du renseignement, Gholam Hossein Mohseni Ejei, et de celui de l'intérieur, Mostapha Pour Mohammadi, qui occupaient de hautes fonctions dans ce même ministère dans les années 1990, marquées par les assassinats de nombreux opposants et intellectuels, imputés à ce ministère. Leur retour aux affaires fait redouter le pire à de nombreux Iraniens.

Mais, aux yeux de l'électorat de M. Ahmadinejad, nuance Mme Kian-Thiébaut, Ejei symbolise un peu la lutte contre le libéralisme économique. C'est en effet lui qui a fait traduire en justice l'ancien maire de Téhéran, Gholam Hossein Karbastchi, membre du groupe des "reconstructeurs", rassemblé autour de l'ancien président Rafsandjani, lui-même tenu pour un symbole du néolibéralisme et de la corruption.

Reste à savoir si cette équipe aura les coudées franches. Quelle que soit la sincérité de ses intentions, pourra-t-elle, dans sa lutte contre la corruption, franchir certaines lignes rouges, dans un système gouverné par une oligarchie financière et économique ? Dépourvue d'un programme économique et d'un projet de société dignes de ce nom, réussira-t-elle à traduire en actes les slogans populistes dont elle est porteuse ? Et pourra-t-elle, pour satisfaire la frange la plus intégriste de l'électorat, museler les libertés minimales acquises ces dernières années ?

Mouna Naïm

August 26, 2005 01:25 AM






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